•   C'est l'heure du repas : le pied-noir blagueur qui nous amusait de ses facéties est parti ce matin. Je reste avec mes deux compagnons de table : le kabyle et un jeune atteint de muscovicisdose...tous deux se taisent et moi aussi...Je voudrais bien engager la conversation mais rien ne vient...

      Akim s'installe , un peu plus tard, à la place vacante et , gêné par notre silence, demande :" De quoi parlez-vous?"

     

    Je lui réponds :"moi, j'aime bien écouter et mes deux autres compagnons répondent de même...eux aussi, ils aiment bien écouter.

    Alors, il nous dit : "si on est tous en train d'écouter, on ne va pas entendre grand chose, moi j'aime bien quand ça parle"

    Et comme lui n'a aucune peine à parler de tout et de rien, il continue à parler...

    Puis le kabyle répond sur son portable à sa petite fille, il lui parle en arabe puis il s'adresse à nous et nous dit : " c'est ma petite fille qui me souhaite un bon anniversaire, j'ai 78 ans aujourd'hui...Et il est tout content et nous aussi..de le voir sourire et quitter cette mine fatiguée qui le tient depuis hier et le rend quasi mutique.

      Et maintenat que la conversation est engagée, elle ne tarit plus...nous parlons des animations qui vont avoir lieu dans la maison, de l'enseignement..Evidemment, on a droit aux poncifs d'usage...c'était tellement mieux autrefois...

      Mais il a raison , le jeune Akim...Parler, partager, comme cela est bon...On commence parfois par des banalités et, soudain , un véritable échange a lieu et des liens se créent


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  • Lorsqu'elle est arrivée dans cette maison de réadaptation, elle était dans un si grand état de fatigue qu'elle n'en a qu'un souvenir confus.

    Les premiers jours, elle passait son temps à dormir...

    Peu à peu, les forces sont revenues, elle a pu prendre ses repas à table, avec les autres;

    Elle a pu participer à quelques activités, un petit peu...

    A défaut de parler, elle a pu écouter les autres "Je l'aime bien, cette dame, me dit-elle un jour, elle parle bien".

    Bavarde, elle ne l'a jamais beaucoup été, même quand elle allait bien...mais écouter les autres, cela lui convient..

    Peu  à peu cependant, elle se livre un peu :"Vous rendez compte, je suis là depuis le 20 février...Il va falloir que je me réadapte à la maison, à mon lit..Ici, j'ai pris l'habitude de m'endormir avec la lumière..Mon mari, ça va le gêner...Et puis ils me disent que je pourrai faire mon ménage mais, moi, je ne sais pas si j'aurai le courage, je suis si vite fatiguée...Mais il faut bien que je m'en aille..Ici, j'ai perdu tous mes repères..Je ne sais jamais quel jour on est ,ni quel mois"...Et elle égrène ses craintes...partagée entre le désir de partir et la peur de cette nouvelle vie à la maison...Saura-t-elle se réadapter ?

    Vient le grand jour....On vient la chercher ce matin...Elle a le sourire. La joie est plus forte que la peur.


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  • Il a la peau très claire

    Rien ne laisse penser qu'il vient de là-bas,

    de l'autre côté

    de l'autre côté de la mer.

    La première fois qu'il entre dans la salle de restauration,

    il a pris soin de se parer d'une magnifique djellaba

    afin que nul n'ignore

    qui il est

    ni d'où il vient .

    Il avance

    la tête haute,

    simple et fier,

    comme chacun devrait l'être.

    Et c'est vrai qu'il a belle allure.

    Ensuite, pour les autres repas, 

    il se vêtira, à la française, comme les autres,

    il n'a plus à montrer son identité

    et il ne tient pas à se faire remarquer...


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  • Il a été opéré du coeur

    Il y a six semaines qu'il est ici, dans cette maison de réadaptation cardiaque et respiratoire.

    C'est dans un fauteuil roulant qu'il est entré, il avait honte, dit-il

    A la table où il mangeait, les trois autres personnes ne disaient pas un mot et  semblaient encore plus éteintes que lui;

    Il se demandait bien où il était tombé....Peu à peu, ça s'est animé, il a raconté une blague, puis une autre...Un bon rire, ça vaut un médicament...

    Ce matin, la cardiologue lui a fait faire un bilan car il va bientôt rentrer chez lui.

    Très sérieusement, il lui a demandé : y a-t-il une esthéticienne par ici ? Car depuis que je suis ici, c'est peut-être une maladie nosocomiale : j'ai un grand poil dans la main qui m'a poussé... il faudrait voir de me l'enlever...

    .La cardiologue a ri avec lui, alors il est tout content et raconte son histoire à qui veut l'entendre et il y met tant de bonhomie qu'on lui pardonne ses rabâchages


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  • Du courage, nous en avons tous

    Des réserves insoupçonnées

    sommeillent en nous

    et l'épreuve est là pour nous les révéler.

     

    Du courage, nous en avons tous,

    nous n'avons pas le choix.

    Face à l'inéluctable,

    face au drame,

    chacun avance à sa façon

    et découvre qu'il n'est pas si démuni .

     

    Des forces étonnantes  nous tiennent debout

    et nous maintiennent au-dessus des flots.

    Par quelle étonnante magie,

    on ne sait

    mais nous tenons la barre

    et nous ne la lâchons pas.

    C'est l'épreuve qui nous rend fort.

     

    Viendra le temps

    viendra le jour

    où des forces plus grandes que nous

    nous obligeront à nous abandonner

    pour le grand passage.

    Pourquoi le redouter ?

    Ce sera un jour comme aujourd'hui,

    un jour béni

    peut-être aussi.

     

    Et dans "les vies de Job" de Assouline que je lis en ce moment, je découvre cette phrase à laquelle j'adhère tout à fait:

    "il faut tenir et endurer,non pour durer mais pour devenir"


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